Les pelouses sur les sols calcaires du Causse

Par Jean-Claude Martegoute

 

Elles se distinguent des prairies par leur aspect physionomique ; la végétation est moins haute, moins dense, formant un tapis plus ou moins ouvert.

Elles se rencontrent sur les zones les plus arides et résultent souvent de la conjonction d’un sol (généralement superficiel, en pente), de conditions climatiques (chaleur, forte insolation) et assez souvent d’une activité agro-pastorale (pelouses issues pour la plupart de pratiques de pâturage ovin).

 

 

 

La Fétuque ovine (Festuca gr. Ovina) : elle forme des touffes basses aux feuilles étroites, fines, filiformes. Un ensemble d’espèces sont rassemblées sous cette appellation, elles ne se différencient que sur des caractères anatomiques nécessitant une observation de coupes microscopiques du limbe foliaire.

Elle est souvent accompagnée du Carex de Haller Carex halleriana et de la Koelérie du Valais Koeleria vallesiana, graminée facilement identifiable aux « chaussettes » recouvrant la base des tiges (il s’agit d’un réseau de fibres entrecroisées formé par les gaines des anciennes feuilles.

 

Le Brome dressé (Bromopsis erecta) : forme des touffes hautes (50 cm à 100 cm) velues à la base. Les Feuilles sont de 2 sortes : les basales de 2-3 mm de large, pubescentes, pliées ou enroulées ; celles de la tige de 4-6 mm, planes, au limbe bordé de longs cils. L’Inflorescence est une panicule à rameaux dressés ou un peu penchés. Les épillets scabres, allongés (20-30 mm de long) renferment 4-12 fleurs avec la glumelle inférieure prolongée par une arête droite, subterminale de 3-8 mm.

 

 

 

Une autre graminée sociale, le Brachypode penné ou des rochers (Brachypodium rupestre) peut coloniser la pelouse, surtout au niveau des « ourlets » ou des « pelouses-ourlets ». L’ourlet désigne la bande de végétation comprise entre la pelouse et la lisière arbustive.

 

Le Brachypode penné est connu sous le nom populaire de « Palène » mais cette appellation peut parfois désigner d’autres graminées en touffe compacte. Il forme de grosses touffes plus ou moins circulaires au feuillage vert jaunâtre, ses feuilles larges de 3-6 mm sont longues et planes. L’inflorescence en grappe simple, dressée comprend 6-12 épillets allongés, courtement pédicellés. Il exerce un important effet de concurrence, évinçant de nombreuses espèces héliophiles de la pelouse. La pelouse à Brachypode correspond à un stade évolutif de la pelouse vers le fourré, puis la forêt.

 

 

 

Au printemps, de nombreuses plantes, dont les orchidées, égaient les pelouses de leurs fleurs colorées. Le cortège floristique, très diversifié, est caractérisé par des espèces héliophiles*, thermophiles* et xérophiles*. Il présente la particularité d’accueillir de nombreuses espèces d’affinité méditerranéenne, souvent en limite de leur aire de répartition, citons : 

  • le Trèfle bitumineux (Bituminaria bituminosa), Fabacée à odeur de bitume lorsqu’on le froisse ;
  •  le Liseron des monts Cantabriques (Convolvulus cantabrica),  Convolvulacée aux grandes fleurs roses de 3 cm environ  ; 
  • la Leuzée conifère (Rhaponticum coniferum),  Astéracée à inflorescence en capitule évoquant un cône de Pin, protégée au niveau régional ; 
  • la  Carline en corymbe (Carlina corymbosa), Astéracée aux bractées jaune vif, protégée au niveau régional ; 
  • le  Fumana couché (Fumana procumbens), Cistacée aux fleurs jaunes ;
  • le Fumana des montagnes (Fumana ericifolia) protégé au niveau régional.  

 

 

Les pelouses sèches sont plus ou moins rapidement en voie de colonisation par les ligneux bas, ainsi la conservation de ces pelouses, véritables « ilots de biodiversité », nécessite une gestion adaptée (pâturage extensif, débroussaillage approprié)

 

Le terme de « pelouses » regroupe différents types de milieux déterminés principalement par la nature du sol :

 

  • Pelouses sur éboulis (ou castine)

La végétation clairsemée, qui occupe les pentes les plus raides au sol squelettique, souvent caillouteux, est riche en plantes vivaces à système racinaire ligneux très développé, capable de

résister au déchaussement et de fixer les débris rocailleux. Les espèces les plus représentatives sont : la Germandrée petit chêne - Teucrium chamaedrys,  la Germandrée des montagnes - Teucrium montanum , le Liseron de Biscaye - Convolvulus cantabrica,  l’Inule des montagnes - Inula montana), la Phalangère à fleurs de lis Anthericum liliago à floraison printanière, la Phalangère ramifiée  -Anthericum ramosum à floraison plus tardive ( juin-août),  l’Euphorbe de Seguier - Euphorbia seguieriana protégée au niveau régional,  le Lin sous-ligneux - Linum suffriticosum, 

des Cistacées : l’Hélianthème vulgaire aux fleurs jaunes Helianthemum nummularium , l’Hélianthème des Appenins ou Hélianthème blanc  Helianthemum apenninum, le Fumana couché Fumana procumbens, le Fumana fausse-bruyère ou Fumana des montagnes Fumana ericoides (plus rare, protégée au niveau régional). Parfois dominent des sous-arbrisseaux grisâtres comme la Stéhéline ou « fausse lavande » Staehelina dubia, la Lavande à larges feuilles Lavandula latifolia et l’Immortelle Helichrysum stoechas facilement identifiable à son odeur de curry. Ces plantes basses, plus ou moins ligneuses, parfois associées au Genêt velu Genista pilosa et au Genévrier Juniperus communis en forme de « galette » forment une lande à aspect de garrigue.

 

 

 

 

  • Pelouses calcaires très sèches (xérophiles)

Dès que le sol se structure et s’individualise, on assiste à une extension massive des graminées sociales. La plus xérophile étant la Fétuque ovine qui est souvent associée à la Koelérie du Valais Koeleria vallesiana, elles sont accompagnées du Carex de Haller Carex halleriana, de la Potentille printanière Potentilla neumanniana, de l’Hippocrépis à toupet Hippocrepis comosa, de la Globulaire Globularia bisnagarica, du Thym serpolet Thymus serpyllum et des espèces de la pelouse sur éboulis, formant un cortège floristique appartenant au Xérobromion des phytosociologues.

 

 

 

  • Pelouses calcaires sèches (xérophiles* à mésophiles*)

Les plus représentatives correspondent au Mesobromion, groupement plus dense dominé par le Brome dressé (Bromus erectus) accompagné souvent de de l’Anthyllide vulnéraire (Anthyllis vulneraria), le Cirse sans tige (Cirsium acaule), la Carline (Carlina vulgaris), le Panicaut champêtre (Eryngium campestre), la petite Pimprenelle (Sanguisorba minor), la Seseli des montagnes (Seseli montanum), la Sauge des près (Salvia pratensis), la Scabieuse colombaire (Scabiosa columbaria), l’Origan (Origanum vulgare) ... Les Orchidées sont les reines de ce type de pelouses 

 

 

 

  • Sur les « les tonsures »

ou zones de plages nues crées notamment par le passage des animaux ou provenant d’un décapage du sol  d’origine anthropique s’installent de petites plantes annuelles comme : le Lin purgatif (Linum catharticum), des Céraistes (Cerastium sp.), le Saxifrage à trois doigts (Saxifraga tridactylites), la Sabline à feuilles de serpolet (Arenaria serpyllifolia) le Brachypode distique (Brachypodium distachyon), le Pâturin rigide (Catapodium rigidum) …

 

 

 

  • La « pelouse-ourlet » ou pelouse à Brachypode penné

Elle occupe une place intermédiaire entre les pelouses précédentes et les lisières forestières, elle est considérée comme un stade évolutif de la pelouse vers le fourré puis la forêt.

Le Brachypode penné (Brachypodium rupestre), en exerçant un important effet de concurrence, élimine de nombreuses espèces héliophiles des pelouses précédentes. Ce type de pelouse est caractérisé par une faible biodiversité floristique. 

 

La plupart du temps, une pelouse est une mosaïque de communautés végétales où se juxtaposent les différents types de pelouses présentées ci-dessus.

 

 

 

*Lexique :

Calcicole : plante ou végétation qui se développe parfaitement sur les sols riches en calcaire

Héliophile : plante ne pouvant se développer qu’en pleine lumière

Mésophile : se dit d’une plante ou d’une végétation adaptée à des conditions moyennes d’humidité

Thermophile : plante qui croît dans des sites chauds, ensoleillés

Xérophile : plante vivant sur des sols très secs

 

Références :

B. Bédé & N. Bédé & J.-C. Martegoute - Les Plantes de Dordogne, ed. Bacofin , 2015

J.-C. Martegoute - Arbres et Forêts Périgord Quercy Limousin, ed. Bacofin , 2020 

La Flore en Quercy : Recueil d’articles parus dans Quercy Recherche de 1974 à 1998, ed. Quercy Recherche

J.-C Abadie - Plan de conservation de 6 espèces végétales des coteaux calcaires de la Dordogne

Bulletins de la Société Botanique du Périgord http://botanique24.fr/accueil.html

 

 

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