Par Jean – Jacques Jarrige
Aux confins de la Dordogne et du Lot, la partie méridionale du Périgord Noir offre un exemple remarquable d’interaction entre géodiversité et biodiversité à l’échelle cartographique (feuille de la carte géologique, Gourdon, 1/50 000). Ces variations ont un impact évident sur les patrimoines matériel et immatériel de la région.
Cadre géologique
Dans le périmètre considéré affleurent (Astruc, 1990) :
La pile sédimentaire est affectée par le vaste anticlinal de Campagnac-lès-Quercy, aligné sur un faisceau de failles NW-SE connu sous le nom d’Accident Ouest-Quercynois, déjà actif à la fin de l’orogenèse varisque (Dauch et Viallard, 1987), bordé par des terrains siliceux crétacés et tertiaires en position synclinale (fig. 1).
Géodiversité et biodiversité
Les contrastes lithologiques du substratum rocheux ont un impact sur la biodiversité, les usages des hommes et les économies rurales directement ou à travers les produits d’altération des roches qui ont influencé les caractères physiques et chimiques des sols :
Géologie et patrimoines
La variation de l’environnement géologique influence fortement les riches patrimoines matériel et immatériel de la région.
De la forteresse médiévale imposante à la modeste borie, le patrimoine architectural périgourdin montre une esthétique et une cohérence remarquables induites par les matériaux localement
disponibles, les usages et les savoir-faire des communautés rurales. Les façades des anciennes bâtisses sont un bon indicateur de l’environnement géologique (fig. 4). Sur le causse, les murs sont édifiés avec des moellons jurassiques et certains toits ont conservé des témoignages des couvertures en lauzes. Les calcaires gréseux crétacés, souvent utilisés en appareillage de portes et de fenêtres compte tenu de leur facilité de sciage, donnent aux façades des couleurs dorées. Dans les zones où les altérites tertiaires contiennent des accumulations significatives de concrétions ferrugineuses, ces éléments très résistants ont été incorporés dans les murs leur donnant des couleurs rouges à noires.
L’art culinaire périgourdin qui s’exprime aussi bien dans les plats simples des fermes que dans les menus élaborés des restaurants fait partie du patrimoine immatériel périgourdin : tourin, pâtés truffés, foies gras, tourtières, confits… Dans ce domaine, le gastronome local suit des règles ancestrales dans sa quête de produits naturels tels le cèpe ou la truffe, sans savoir que le plus souvent sa démarche est guidée par les types de sol et donc la géologie du sous-sol :
Les contrastes lithologiques et la disposition structurale font du sud du Périgord noir et de la Bouriane voisine un secteur où les changements de paysage sont rapides et tranchés. Ces variations ont influencé la biodiversité, les usages agricoles et les patrimoines matériel et immatériel locaux. Qui a conscience que la géologie est présente jusque dans nos assiettes ?
Artcicle publié dans le numéro 255 de la revue Géochronique – 2020
Références :
Astruc J.-G. (1990) – Carte et notice explicative de la feuille de Gourdon à 1/50 000. Editions du BRGM, BP 6009, Orléns Cedex 2 - France
Dauch C. et Viallard P. (1987) – Stade initial d’un duplex dans une aire à faible taux de raccourcissement : interprétation du pli chevauchant de la Grésigne (SW de la France). C.R. AC. Sc. Paris, 304, II, 12
De Lamothe L. (1883) – Voyages agricoles en Périgord et dans les pays voisins. Annales de la Société d’Agriculture de la Dordogne, XLIV.
Martegoute J.-C. (2002) – Plantes des Causses et des truffières. Fédération départementale des trufficulteurs du Périgord, 219 p.
Martegoute J.-C. (2013) – L’arbre et la forêt en Périgord. P.L.B Editeur, 236 p.
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