Histoire géologique du Causse des coteaux du Céou

Par Jean-Jacques Jarrige

 

 

Le Causse des coteaux du Céou correspond à un plateau calcaire, formé par des roches compactes affectées à plusieurs époques par des phénomènes d’érosion et d’altération, et entaillé récemment par le réseau hydrographique du Céou et de ses affluents.


L’histoire géologique à l’origine de la géodiversité1

 

Il existe une relation forte entre le paysage vu en surface et la géologie du sous-sol. Pour comprendre les paysages actuels
et leurs évolutions au cours du temps, il faut donc retracer l’histoire géologique de la région et intégrer l’empreinte humaine.


Il y a - 350 millions d’années, les mouvements de l’écorce terrestre provoquent la collision de deux blocs continentaux (Gondwana au sud et Avalonia au Nord), ce qui s’accompagne de la formation d’une immense chaîne de montagnes (chaîne varisque) dont on retrouve aujourd’hui des vestiges dans le Massif Central.


Puis, à la fin de l’ère primaire, ces reliefs, évalués à plus de 3000 m en Limousin, sont progressivement rabotés par l’érosion. Les matériaux qui en résultent se déposent, sur de grandes épaisseurs, dans des fossés d’effondrement (grabens) qui recoupent la chaîne montagneuse, dans une période de rééquilibrage de la lithosphère2 continentale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Périgord dans les grandes unités de la Chaîne Varisque entre continents Avalonia et Gondwana (Ballèvre et al. 2009)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fossé d’effondrement entre deux failles en extension

 

Dans un de ces fossés, qui s’étendait sur environ 200 kilomètres de long et 50 de large entre Albi et Brive, se sont déposés
jusqu’à 4 000 mètres de matériaux détritiques provenant de l’érosion des reliefs. Aujourd’hui, ce fossé est masqué dans
notre région par les sédiments plus récents. Sa bordure ouest correspond à la Faille Ouest-Quercynoise.

 

Une partie de son contenu sédimentaire est observable dans le bassin de Brive au Nord et a été traversé par un forage
sur le causse des coteaux du Céou près de Campagnac-lès-Quercy.

 

Le forage pétrolier de Campagnac-lès-Quercy
Ce premier forage à objectif pétrolier foré en Périgord a fait la une des journaux en 1957. Le forage, négatif en terme pétrolier, a atteint la profondeur de 2037 m et amené des informations sur la géologie du sous-sol. Il a traversé successivement les calcaires du Jurassique supérieur, du Jurassique moyen et les alternances de dolomies, marnes, grès du Jurassique inférieur, avant de reconnaître des argiles et des sels du Trias surmontant en discordance les grès rouges du Permien.

 

Vers – 200 millions d’années la mer envahit progressivement l’Aquitaine et, à partir de - 170 millions d’années, les environnements lagunaires font place à une plate-forme carbonatée dans un paysage ressemblant à la plate-forme actuelle des Bahamas. C’est pendant cette période, plus particulièrement entre - 157 et - 145 millions d’années (Jurassique supérieur), que se déposent les vases carbonatées qui vont former les calcaires du causse des coteaux du Céou. Les rivages ne sont pas très éloignés comme le démontrent les empreintes fossiles de Ptérosaures (vertébrés volants), associés à des restes de reptiliens et de tortues, trouvés dans certains niveaux calcaires exposés sur le site voisin de Crayssac (Lot).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Paléogéographie vers 160 millions d’années
(zones marines : bleu et orange – zones émergées : rose)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Paléogéographie vers 110 millions d’années
(zones marines : bleu et orange – zones émergées : rose)

 

Vers – 145 millions d’années, la mer se retire. Pendant 50 millions d’années, la région est émergée. Les roches superficielles sont soumises à des phénomènes d’érosion et des formes karstiques se mettent en place. Des reliefs (voussures anticlinales) se forment le long de la Faille Ouest-Quercynoise qui est remobilisée en liaison avec les prémices des mouvements tectoniques alpins créés par les premiers affrontements des plaques Europe et Afrique.

 

Le témoin d’une émersion de 45 millions d’années

Une petite carrière en bordure de la route entre Pont-de-Cause et Veyrines-de-Domme est le seul endroit où il est possible d’observer clairement le contact entre les calcaires du Jurassique supérieur (-145 à 157 millions d’années) et les calcaires crayeux du Turonien (-93 millions d’années) qui sont les premiers témoins à cet endroit du retour de la mer sur une surface érodée et karstifiée. Ce contact représente une absence de dépôt sédimentaire de 45 millions d’années !


(J) calcaires du Jurassique supérieur
(K) calcaires crayeux du Turonien
(S) surface d’érosion

 

Vers – 100 millions d’années, la mer fait son retour progressivement sur l’Aquitaine et une grande partie du Massif Central. Dans le sud du Périgord, elle s’installe d’abord dans les zones basses où se développent des paysages de plaines côtières et de lagunes dans lesquelles se déposent localement des couches de lignite, comme par exemple près la Chapelle Péchaud. Puis l’approfondissement de la mer s’accompagne du dépôt de calcaires crayeux.

 

Paléogéographie de l’Aquitaine                                     Paléogéographie de l’Aquitaine

vers - 93 millions d’années.                                          vers – 85 millions d’années

 

Vers – 85 millions d’années, des matériaux sableux se déposent dans le Sarladais, provenant de l’érosion de terres émergées situées plus à l’est. Ces apports sont à l’origine des unités de calcaires gréseux jaunes (d’âge Coniacien-Santonien, connus sous le nom de Pierre des Eyzies) qui constituent actuellement les escarpements de la vallée de la Dordogne.

 

Vers – 72 millions d’années, la mer quitte
définitivement la région
. Sous un climat tropical humide des processus d’altération lessivent la tranche supérieure des roches et produisent des dépôts meubles sableux et argileux, les altérites, qui
sont localement indurés sous l’effet de circulations de fluides minéralisés, constituant dans les sols des « cuirasses » siliceuses ou ferralisées, phénomènes bien connus de nos jours en Afrique tropicale. Sous cette couverture d’altérites, des processus kartiques sont réactivés.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Paléogéographie vers – 40 millions d’années

 

Pendant cette période, l’Afrique et l’Ibérie se rapprochent de l’Europe. Ce mouvement provoque vers – 40 millions
d’années
, la formation de la chaîne pyrénéenne et la réactivation d’anciennes failles dans l’avant- pays aquitain.
C’est le cas de la Faille Ouest-Quercynoise, le long de laquelle se forme l’anticlinal3 de Campagnac-lès-Quercy.

 

Les strates sont plissées et fracturées, ce qui facilite l’infiltration des eaux météoritiques. Cette circulation d’eau entraine des
volumesd’altérites dans les réseaux karstiques et les surfaces indurées sont démantelées (il en reste aujourd’hui
localement des témoins sous forme de chaos de blocs en surface).

 

 

 

 

 

 

 

Notion d’anticlinal et de synclinal

 

 

 

 

Les calcaires du Jurassique ont été localement plissés près de la Faille Ouest-Quercynoise (St Pompon)

 

Au Sud, les reliefs des Pyrénées en cours de surrection sont érodés et des sédiments détritiques remplissent progressivement un bassin situé au pied de la chaîne sous un climat chaud. Au fur et à mesure du remplissage de cette dépression, les dépôts migrent vers le nord jusqu’à atteindre le Quercy, scellant les structures karstiques.


À partir de – 33 millions d’années, les contextes tectonique et climatique changent. Les cours d’eau s’écoulent vers le
sud
, drainant des graviers et des galets tandis que des lacs s’installent dans les dépressions et sont le siège du dépôt de
calcaires lacustres, comme dans la « plaine de Bord ».


Il y environ 20 millions d’années, les contraintes tectoniques, à l’origine de la formation des Alpes, provoquent une surrection du Massif Central et de sa bordure occidentale. Une importante phase d’érosion décape les sédiments les plus récents. Les cours d’eau entaillent les plateaux calcaires et prennent une direction est – ouest qui préfigure leur disposition actuelle. Les circulations karstiques reprennent et des cavités sont déblayées des altérites qui les avaient obstruées.


Au cours des 5 derniers millions d’années, les variations du niveau marin liés aux glaciations, associées à la poursuite de
la surrection du causse, pérennisent les processus érosifs et l’activité du karst.
Pendant les périodes glaciaires quaternaires des
alternances de périodes froides et plus clémentes
provoquent des phénomènes de gélifraction4 de la
roche, suivies pendant les dégels de glissements des
couches superficielles dans les pentes. Ces mécanismes
sont à l’origine du dépôt de sédiments appelées grèzes,
ou castines dans la région, qui forment des
accumulations en bas des reliefs et tapissent les pentes
de certains coteaux.

 

 

1 : ensemble des éléments des sous-sols, sols et paysages qui, assemblés les uns aux autres, constituent des systèmes organisés, issus de processus géologiques
2 : couche externe de la Terre, constituée par la croute continentale et une partie du manteau supérieur

3 : pli convexe dont le cœur est occupé par les strates les plus anciennes

4 : altération de la roche causée par l’action du gel

 

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